Financement des transports après la crise
Augmentation des coûts de fonctionnement, remise en cause des investissements, diminution de la fréquentation et des recettes de trafic… le financement des transports en commun va devoir se ré-inventer après la crise sanitaire.
Le coût du transport est majoritairement supporté par les collectivités
Le titre de transport (ticket à l’unité ou abonnement) ne correspond qu’à une fraction du coût de fonctionnement. Environ un tiers, parfois moins, parfois même rien du tout si l’utilisation des transports publics est gratuite. Ainsi, les collectivités locales supportent l’essentiel du coût réel. Le budget alloué au transport public est d’ailleurs l’un des postes les plus importants des agglomérations et métropoles. En bout de chaîne, les entreprises contribuent fortement via le Versement Transport (une contribution dépendant de la masse salariale).
Les investissements (infrastructure de transport, systèmes d’aide à l’exploitation ou d’information des voyageurs, matériel roulant) sont dans la grande majorité des cas financés exclusivement par les collectivités. Les principales infrastructures bénéficient en outre d’aides des régions, de l’Etat et de l’Europe.
Le coût de fonctionnement est en hausse pendant la crise
Cela peut paraître contre-intuitif, mais les opérateurs de transport public n’ont pas fait d’économies pendant la crise sanitaire. Au contraire, Keolis, Transdev, RATP et leurs filiales (pour ne citer que les principaux) ont vu leurs dépensent augmenter.
Renforcement du nettoyage des bus et tramways, fourniture d’équipements de protection (achetés à prix d’or) pour les agents, absentéisme des conducteurs malades, information et accompagnement des voyageurs… autant d’éléments qui font grimper la facture.
En parallèle, les recettes liées à la vente de titre de transport sont en chute libre. Avec une fréquentation autour de 15% du niveau habituel pendant le confinement, et les opérations de dédommagement pour les abonnés, l’équilibre financier n’est plus assuré.
Acheter son titre de transport, un acte moins fréquent pendant la crise sanitaire.
Photo Sébastien Botella / Nice Matin
Certes, l’offre de transport a légèrement baissé pendant le confinement, surtout au début. Mais les niveaux moyens constatés (de l’ordre de 80% selon les villes) ne permettent pas de compenser le surcoût d’exploitation.
Des recettes de trafic en berne pour longtemps
Après quelques jours de déconfinement, la hausse de fréquentation des transports publics reste limitée, surtout en province. Les recettes de trafic (vente de titres et d’abonnement) vont rester en deçà des prévisions, probablement pour longtemps. Les usagers limitent leurs déplacements et les personnes à risque évitent les transports en commun. Les étudiants, qui représentent une part importante de la clientèle des transports, ne seront de retour qu’en septembre. Le financement des transports publics après la crise va donc devenir un sujet central chez les opérateurs…
Cette situation financière critique va mettre l’ensemble des réseaux de transports publics dans des situations très difficiles et encore pour plusieurs mois
Thierry Mallet, président de Transdev et de l’UTP (interview à lire sur ville-rail-transports.com)
Des investissements remis en questions
Les finances publiques sont durement impactées par la crise sanitaire Covid-19. La tentation va être grande de remettre à plus tard les grands projets d’infrastructures qui étaient à l’étude. Construction ou prolongation d’un tramway, nouvelle ligne de métro, bus en site propre… ces aménagements devront attendre. Or, ces investissements sont nécessaires au développement de l’offre de transport public, et participent à l’économie globale du service de transport.
A plus court terme, le report possible des élections à l’automne bloque également les projets: les collectivités gèrent les affaires courantes mais ne lanceront pas de grand projet avant l’arrivée des nouvelles équipes municipales…
Quelles solutions pour l’équilibre financier des transports publics ?
Réduire l’offre de transport pour faire des économies: solution court-termiste, et à contre-courant des mesures de distanciation physique. D’autant qu’une telle décision ne peut se prendre du jour au lendemain. Il parait effectivement difficile de réduire les effectifs autrement qu’au rythme habituel des départs naturels (retraite).
Augmenter le prix des tickets et des abonnements: le recours à cette solution n’est pas impossible. En effet, les nouveaux standards sanitaires (port du masque, nettoyages et désinfections, barrières en plexiglas…) entraînent un coût qu’il est logique de répercuter. Mais cette répercussion ne sera que partielle; une hausse trop brutale des tarifs ferait repartir trop d’usagers dans leur voiture, et serait politiquement difficilement acceptable.
Financement des transports après la crise: un nouveau modèle à inventer
Une réflexion globale su le financement des transports publics va devoir s’engager. Quelle sera la place de chaque mode de transport (bus, transport à la demande, covoiturage) ? Quelles modalités de commercialisations (abonnements classiques, paiement en fonction des trajets effectués, financement par l’employeur) ?
Autant de questions auxquelles cet article apporte quelques éléments de réflexion pertinents.